La question de territoire en franchise

Par Me Luc Audet

La question de territoire en franchise

Élément parfois déterminant du succès ou de l’échec d’une franchise, la sélection de la location doit faire l’objet d’une analyse approfondie.

Souvent, lorsque le franchiseur établira le concept de sa franchise, il dressera une liste des territoires potentiels afin d’être en mesure d’avoir une bonne idée lorsque le franchisé lui proposera des sites où il pourrait s’établir. Il est également important que les frais afférents à l’endroit désiré soient pris en compte (frais d’entretien, d’aménagement paysager, espace communs si c’est un centre commercial, etc.).

Il est important de déterminer si l’emplacement du site influencera la réussite de la franchise. En effet, ce ne sera pas le cas dans tous les types de franchises. Par exemple, dans la franchise de services où ce sont les employés qui se déplacent pour fournir une prestation, le lieu n’aura peu ou aucune importance. Par contre, dans un commerce de vente de détail, l’emplacement du site sera fondamental. Il va de soi qu’un endroit où les passants affluent bénéficient d’un haut degré de visibilité, ce qui favorise la rentabilité de la franchise.

La grande majorité des contrats de franchise prévoient que c’est au franchisé qu’il incombera de sélectionner un site où établir la franchise, le tout devant faire l’objet de l’approbation du franchiseur. Par ailleurs, il y a habituellement un mécanisme d’annulation de la transaction assorti d’un délai raisonnable dans l’éventualité où le franchisé ne parviendrait pas à trouver un emplacement en temps voulu sur le territoire réservé. Il est également fréquent de retrouver une clause stipulant que ce sera le franchisé qui assumera toutes les responsabilités s’il y avait échec de la franchise, faisant donc en sorte que le risque repose uniquement sur ses épaules.

Qu’en est-il donc lorsque le franchiseur propose un site ? Le franchisé assumant les risques, ce dernier se doit de se questionner sur les motifs qui poussent le franchiseur à recommander un tel site. S’agit-il d’une simple opportunité ou est-ce que le franchiseur croit au potentiel du site ? Afin d’éviter de mauvaises surprises, il serait important pour le franchisé d’effectuer sa propre étude de marché indépendante et ainsi déterminer si l’endroit lui sera réellement profitable. Chaque franchise se caractérise par son territoire qui va influencer sur le développement du franchisé. Il y a trois niveaux de franchises qui ont chacun un étendu de territoire différent et surtout chacun un niveau de responsabilité.

Le plus bas niveau qu’une franchise peut avoir est celui de franchise individuelle. Le franchiseur donne uniquement le droit au franchisé d’exploiter une succursale en l’empêchant d’en ouvrir d’autres comme nous avons pu le constater plus haut dans le lexique. Son territoire se trouve donc à être uniquement l’emplacement de son commerce.

La franchise individuelle n’étant pas le moyen le plus efficace pour développer rapidement un marché, certains franchiseurs optent préférablement pour la franchise territoriale. Ce système permet au franchisé (généralement plus qualifié côté affaire que le franchisé individuel) d’avoir l’exclusivité sur un territoire donné ou il a le droit (peut même être contractuellement obligé) de développer et d’administrer plusieurs succursales. Néanmoins, ce type de franchisage peut poser problème si le franchisé veut confier un de ses établissements à une tierce personne puisqu’il n’est généralement pas autorisé par la convention à faire des sous-franchises.

Au-dessus de ce système, nous retrouvons la franchise maitresse que nous pourrions qualifier du type de franchise avec la plus grande autonomie, le plus gros territoire et le plus de responsabilités.

La clause d’exclusivité territoriale fait souvent l’objet d’intenses négociations de la part des deux parties. Elle ne figure pas à tous les contrats et cela peut s’expliquer par différentes raisons.

L’enjeu le plus majeur réside dans le fait que dans la négociation d’une telle clause, les intérêts du franchiseur se trouvent aux antipodes de ceux du franchisé. Alors que le franchiseur a plutôt intérêt à ce que le territoire conféré au franchisé ne soit pas trop large afin de vendre le plus grand nombre de franchises, le franchisé désire plutôt avoir un territoire exclusif où il est assuré d’être à l’abri de la concurrence émanant du franchiseur ou d’autres franchisés de ce franchiseur. Et s’il est bien conseillé, le franchisé demandera des droits de premier refus sur les territoires adjacents au sien.

L’exclusivité territoriale peut se situer à plusieurs niveaux. Il existe différentes façons de délimiter la zone exclusive du franchisé. Les franchiseurs peuvent faire preuve de créativité en la matière. On peut se baser sur le numéro civique, les codes postaux, des quadrilatères formés par des rues, des quartiers complets, une région entière, une province, etc. Par exemple, Subway octroie des franchises dont l’exclusivité est basée uniquement sur le numéro civique. Ainsi, il pourrait y avoir 4 franchises l’une en face de l’autre aux quatre coins de rues achalandées qui se croisent et tout serait en conforme : autant bien dire qu’il n’y a aucune exclusivité territoriale. Chez les concessionnaires Ford, c’est tout le contraire. Ce franchiseur octroie plutôt des franchises régionales.

L’exclusivité territoriale est souvent prise pour acquise par les franchisés. Ils croient à tort que l’accord de la franchise entraîne automatiquement l’octroi d’un territoire exclusif. Or, à moins d’une clause explicite à cet effet, il n’en est rien de tel.

La clause-type visant à octroyer au franchisé l’exclusivité du territoire est habituellement libellée comme suit : « Sur le territoire de la Ville X le franchiseur s’engage à ne pas implanter de franchise de magasin “ ABC “, ou commerce de même type, autres que celle octroyée à Monsieur X et ce pour une durée de 10 ans à compter des présentes.»

Il est recommandé qu’une telle disposition soit rédigée avec le degré de précision le plus élevé qui soit. Le franchiseur s’engage à ne pas concurrencer le franchisé sous la même bannière. À contrario, cela signifie qu’il pourra lui faire compétition sous une autre marque de commerce, le cas échéant. Toutefois, il ne faut pas oublier que, tel qu’édicté dans la célèbre affaire Provigo en matière de franchisage, le franchiseur a une obligation d’assistance envers le franchisé. Bien qu’il serait irréaliste d’exiger du premier qu’il ne puisse jamais poser d’actions ayant pour effet de concurrencer ses franchisés dans un contexte où la compétition est féroce, il doit tout de même leur porter assistance dans un tel cas.

Il existe plusieurs types de clauses au contrat de franchise qui, à première vue, peuvent laisser croire à l’exclusivité territoriale, mais une lecture plus attentive révèle qu’il n’en est rien de tel.

La première est la clause de premier refus. Normalement limitée au territoire adjacent, une telle disposition fait en sorte que le franchiseur qui trouve un franchisé potentiel pour s’établir sur un territoire à proximité de celui du franchisé doive offrir à ce dernier le choix ou non d’acheter la nouvelle franchise, aux mêmes termes et conditions que celles offertes au candidat potentiel. Ainsi, le franchiseur ne s’engage qu’à offrir l’opportunité d’affaires en premier lieu. Si le franchisé refuse de lever l’option, il risque très fortement de se retrouver avec un commerce similaire et concurrent au sien dans un territoire rapproché.

Parfois, le franchiseur inclura au contrat une clause voulant qu’il s’engage à ne pas implanter plus d’une franchise par X nombre d’habitants. Ici encore, nous ne sommes pas en présence d’une clause d’exclusivité territoriale mais plutôt d’un quota. Si la densité de la population augmente, rien n’empêchera au franchiseur d’augmenter le nombre de franchises octroyées.

Enfin, il arrive parfois que l’on retrouve des clauses de division de territoire : si le franchiseur, agissant raisonnablement, considère que sur le territoire octroyé d’un franchisé, il y aurait de la place pour une deuxième franchise unitaire, alors il a le droit de subdiviser le territoire et de vendre une nouvelle franchise.

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